Filumena Marturano .
Cours Florent.
Ca m'fait rêver. Et ca m'effraie. Cette foutue certitude nichée au fond des tripes, qui murmure en une lancinante et aigre comptine : tu n'en es pas capable, tu n'en es pas capable, tu n'en es pas capable. Parce que c'est vrai qu'entre deux heures de théatre pour se détendre une fois par semaine et en faire sa vie, il y a un canyon. Et qu'il faut rester objectif : je ne joue pas bien. Mais tout de même... Il y a cette envie, enracinée, il y a cette euphorie a chaque fin de scene, ce sourire qui irradie mon ame et mon visage, cette joie de devenir quelqu'un d'autre, de se pousser à bout, de puiser la créativité de chercher du nouveau, de chercher de l'autre en soi-même, ce bonheur de se donner, se dévoiler, de faire courir un 1500 metres a son bordel intérieur, pour l'ivresse de voir des gens qu'on ne connait meme pas simplement émus, et de pouvoir se dire qu'on est la cause de cette émotion. Avoir la fierté de pouvoir se dire "j'ai fait ressortir ce qu'il y a de plus humain en eux; je les ait fait vibrer pour quelque chose que ni eux, ni moi n'avons réellement vécu". Un immense doigt d'honneur au pessimisme négativiste des nihilistes : l'homme est capable de ressentir pour autrui, et en l'occurence autrui c'est moi. Rendre les gens humains, c'est ca la magie du théatre. S'ouvrir en deux, se mettre à poil, offrir ce qu'on a de meilleur pour les prendre par la main et les emmener dans l'ailleurs, un monde ni réel ni fictif, séparé de la froide réalité par la ténue frontiere de l'imaginaire. Comme j'aimerais savoir les emmener retrouver la petite bete tétanisée de peur au fond d'eux memes; leur sensibilité étouffée par l'arbitraire de la vie. Comme j'aimerais savoir participer à l'édification d'un microcosme, en quelques heures, sur les quelques metres carré d'une scene de théatre.