Irlande .
C'est pour cet ultime balancement, cette légere oscillation en équilibre sur le fil ténu tendu entre l'"avant" et le perpétel "pendant", cette amertume qui flue et reflue tout au fond de l'esprit, ce blues inévitable, décourageant, déséspérant et pourtant transcendant, que j'aime tant voyager. L'inévitable mélancolie du retour, ce moment ou, dans un éclair de lucidité et de recul face a sa propre vie, on refuse de laisser refluer une derniere fois tous ces instants qui deviennent souvenirs, ou refuse de laisser s'approcher la vague lourde et assourdissante du quotidien retrouvé. Perché tout en haut, sur ce fil qui sépare l'ailleurs du chez soi, on contemple une routine dans laquelle on a peur de se laisser ensevelir et, porté par cette lucidité que seul offre le retour brusque à une réalité oubliée, on survole d'un oeil fatigué des habitudes que l'ailleurs avait estompées, tout en jetant un regard mélancolique vers le "la bas", vers ces instants qui sont déja devenus des souvenirs.
Et puis, inévitablement, on tombe. L'équilibre se romp, l'esprit bascule, le rempart de mélancolie tombe et laisse déferler la vague. De nouveau, on se laisse engloutir par le tressaillement frénétiquement productif qu'on a, plus ou moins inconsciemment, choisi. La lucidité que le choc du retour nous donnait tremble, faiblit, s'éteint lentement, noyée dans sa propre cire. L'habitude revient, les gestes mécaniques ressurgissent d'en dessous de la couche de poussiere que l'oubli momentané avait déposé, ces sédiments d'ailleurs. Et on revient a cette vie, inconsciemment, et la nostalgie s'efface, sans meme qu'n s'en rende compte, et l'engrenage se remet en route, et les souvenirs sont punaisés au mur, et les odeurs oubliées, et la mélancolie dissoute dans quelques réminiscences, débris de souvenir naufragé qui remontent à la surface.
Et finalement, c'est en découvrant l'ailleurs qu'on saisit la réalité, la substance de l'ici, c'est en plongeant dans l'inconnu qu'on apercoit l'essence de l'habituel.
~
" Plonger au fond du gouffre, enfer ou ciel qu'importe,
Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau ! "
( Baudelaire )
_________
[ Edit vilement et honteusement prosaïque : je vient de constater avec horreur que la largeur des articles n'est pas suffisante pour que les photos y tiennent en entier, et ca me casse sérieusement les ovaires. Si quelqu'un a une idée brillante, histoire que mes photos soient pas toutes coupées aux trois quarts, qu'il n'hésite pas =) ]