( J a n i s J o p l i n ♥ )
Nous étions jeunes. Non, nous étions petits. Le monde, c'était une maison, une école, quelques rues et les plages de nos vacances. Ces vacances toujours trop courtes, ces journées d'été abrutissantes de chaleur dont n'apercoit la douceur que rétrospectivement.
( Summertime, time, time... )
Cette année-la, il n'y avait que les aînés et les grands-parents dans la maison rose à un seul étage. C'était le plus fort de l'été, les cigales hurlaient leur éternelle musique de toute la force de leurs frottements. Le soleil nous clouait à l'ombre la moitié de la journée. Nous montions dans le mimosa de derriere, aux branches grandes ouvertes qui semblaient nous attendre. Une chaise longue en-dessous, et ce n'était plus des graviers blancs mais l'eau furieuse de la mer, ce n'était plus le bois d'un arbre mais celui d'un grand mât, nous n'étions plus des gosses mais des marins faisant le tour du monde. Et nous l'avons fait, ce tour du monde à la voile, à l'heure de la sieste dans un vieux mimosa, en attendant l'heure d'aller à la plage au-dessus des graviers qui déferlaient en puissantes vagues.
( Child, the living's easy. )
Le plus agé lisait A la Croisée des Mondes sur un transat de la terrasse, nous cherchions des pignes qu'on écrasaient à la pierre sur les dalles roses pendant que la grand-mere ne regardait pas, et qu'on mangeait sans faim, les doigts noircis par la coque écrasée. Lorsque le soleil tapait moins dur, on se serrait dans la longue Renault grise, on se battait pour aller dans le coffre et faire coucou aux conducteurs qui nous suivaient.
( Fish are jumping out )
On déboulait pieds nus sur les caillous de la plage, on construisait des chateaux tout au bord de l'eau aux remparts renforcés par des gravillons. De temps en temps, on interrompait notre éternel ouvrage de construction toujours démoli par la mer pour manger les Princes des vacances, ceux plein de sable, le gout du sel dans la bouche. Quand on rentrait le soir, on appelait ses parents en attendant son tour d'aller à la douche. Parfois, le grand-oncle et la grande tante venaient boire un verre ou meme manger, annoncés par l'odeur du barbecue.
( And the cotton, Lord, )
Plus souvent, on allait une glace sur le port, méditant sur le parfum dès que l'on sortait de la maison, montant sur les rochers de la digue la glace en équilibre dans une main, et la mangeant de regardant la lumiere verte du phare tourner. Une nuit, nous nous sommes rejoints dans la chambre aux lits superposés, et chacun armé de son oreiller, nous nous sommes tapés dessus avec la joie triomphale des conspirateurs cachés, jusqu'a ce que le grand pere déboule dans la chambre, plus amusé qu'agacé et nous accorde un répit de cinq minutes de bataille acharnée ("mais ne faites pas trop de bruit, vous allez réveiller mamie")...
( Cotton's high, Lord, so high. )
Aujou'd'hui, le plus jeune passe en troisieme, le plus vieux commence sa 2e année d'études supérieures et le mimosa a été abattu.
Nos jours heureux . . .